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L'Horloge comtoise

racontée par Christian Bernardet, Horloger spécialiste des Comtoises


L'Horloge Comtoise est une horloge populaire, inventée par des serruriers (et non des horlogers comme nous le verrons dans le prochain chapitre) et vendue essentiellement aux classes paysannes et ouvrières.


Considérations générales sur l'horlogerie


Nous appellerons horloge une mécanique indiquant l'heure, mue par la force de poids en métal (ou en pierre) et pendule, une mécanique (en général plus petite), dont la force motrice est donnée par des ressorts enroulés sur eux-mêmes (comme d'ailleurs les montres, de poche ou de poignet).

L'horloge, donc, est née entre le 11e et le 13e siècle, quelque part en Europe, probablement en Italie ou en Flandre.
Il semble qu'au départ il s'agissait d'une mécanique dont la fonction était de prévenir qu'il était temps d'aller faire une ronde sur les remparts pour les hommes de guet, ou d'aller à la messe pour les religieux.
C'était donc plutôt un réveil qui sonnait à intervalles réguliers. Il n'y avait d'ailleurs ni cadran ni aiguille.
Puis on s'aperçut qu'en fixant un index sur les rouages, on pouvait indiquer l'heure.

C'était la reproduction du cadran solaire : il n'y avait qu'une seule aiguille, celle des heures, symbolisant l'ombre du cadran solaire ; et le cadran était divisé en heures et quarts d'heures et non en minutes.

Ce type de cadran à une seule aiguille sera utilisé jusqu'à la Révolution française. A partir de la Renaissance apparurent sous le cadran des heures, un petit cadran divisé en quarts d'heure, puis la longue aiguille des minutes concentrique à l'aiguille des heures, et leur cadran divisé en heures et minutes virent le jour au début du 18e siècle.

Jusqu'à la Renaissance, il n'y eut que des horloges mues par des poids.
Ces premiers modèles étaient petits, avec peu de rouages pour le mouvement et sans rouages de sonnerie : rien qu'une cloche sur laquelle frappait un marteau au passage, à intervalles réguliers.

De celles-ci naquirent deux familles bien distinctes : les horloges d'appartement toujours petites, suspendues au mur ou posées sur une console murale et les horloges de clocher, énormes, en fer forgé, à très gros rouages, installées dans les clochers des cathédrales.
Dans ces deux types d'horloges les poids étaient suspendus à des cordes , mais elles avaient une différence fondamentale : dans les petites horloges d'appartement, la corde ne fait que passer autour d'un rouage, entre deux flasques au fond desquelles se trouvent des pointes qui agrippent la corde tressée de plusieurs ficelles de chanvre.
Cette corde redescend de l'autre côté de ce rouage.
A l'une de ses extrémités est fixé un poids (lourd, qui donne la force motrice) et à l'autre un contre-poids, plus léger, destiné à faire adhérer la corde au rouage.

Avec ce principe, l'autonomie de l'horloge est de 24 à 30 heures.
Dans les horloges de clocher, par contre, la corde est solidement fixée à l'une de ses extrémités à un rouleau en bois, appelé tambour et enroulée plusieurs fois autour de ce tambour grâce à une manivelle.
La corde ne pouvant glisser autour du tambour, on peut accrocher à son autre extrémité un poids très lourd, en relation avec un ensemble de rouages plus démultipliés, de telle sorte que ce poids descende moins vite et que l'autonomie s'en trouve grandement augmentée.
Nous verrons qu'en utilisant ce principe, les horlogers comtois ont porté l'autonomie des horloges d'appartement à 7 jours, et même un mois en ajoutant un rouage intermédiaire, et en doublant le poids de la force motrice.

Le principe de ralentissement des rouages a pour nom échappement : c'est une roue dont la rotation est freinée par ses dents qui frottent alternativement sur 2 palettes fixées à une tige verticale portant à son extrémité supérieure une barre horizontale, lestée à chacun de ses bouts de petites boules.
Cette barre s'appelle balancier ou foliot.

Il s'agit donc d'un échappement à foliot , dit aussi à verge (la tige verticale et ses deux palettes) ou encore à roue de rencontre.
La précision de cet échappement n'était pas bonne, et l'horloge pouvait varier d'une à deux heures par jour.
Ce type d'échappement, oublié aujourd'hui, subsistera jusqu'en 1657, année où un savant hollandais, vivant à la cour de France, nommé Christian HUYGHENS, appliquera aux horloges le principe d'isochronisme des petites oscillations du pendule découvert par Galilée en 1583.
Aussitôt, les horloges à foliot seront équipées du pendule (tige de fil de fer, genre chaîne d'arpenteur, avec une tige filetée en bout et une toupie de plomb réglable en hauteur).

Le mot pendule finira par être donné aux horloges d'appartement équipées de ce dispositif et de ressorts moteurs (La première pendule à ressorts moteur connue date de 1450).
Les classes dirigeantes apprécieront particulièrement ces pendules à ressort (mieux finies, plus riches, et plus chères aussi) pour leur faible encombrement et leur facilité de déplacement (puisqu'elles n'ont pas de longues cordes et de poids).
Nous verrons dans un autre chapitre, que les pendules sont cependant moins précises que les horloges à poids. Le peuple restera fidèle aux horloges à poids pour leur faible prix et leur rusticité. Paradoxalement on conservera (en français) le mot balancier (des horloges à foliot) pour désigner le pendule qui a remplacé le balancier.

Parmi les différents modèles d'horloges populaires en Europe, avant l'arrivée des Comtoises, les plus spectaculaires sont sans doute les horloges gothiques (14e au 16e siècle) d'Allemagne et de Suisse.

Naissance de l'horloge comtoise


A la fin du 17e siècle, d'après la tradition franc comtoise, les deux frères MAYET de Morbier près de Morez (Jura) serruriers forgerons, furent appelés par les moines de l'abbaye de St Claude pour tenter de remettre en marche l'horloge monumentale du clocher et fabriquée antérieurement par des horlogers sans doute proches de la cour royale.
L'histoire ne dit pas s'ils l'ont effectivement réparée mais ce qui est sûr, c'est qu'ils eurent ainsi l'occasion d'approcher une horloge , instrument sans doute excessivement cher à cette époque et réservé aux classes sociales les plus aisées ainsi qu'aux ecclésiastiques (cathédrales, monastères).
Rentrés chez eux, les frères Mayet eurent envie de s'en fabriquer une pour eux-mêmes sur le même modèle mais bien sûr réduite à la taille d'un appartement. Ils firent ainsi naître l'Horloge Comtoise telle que nous la connaissons.
Nous parlons là du mécanisme, la question de la caisse en bois viendra plus tard.
Cette anecdote est importante car si les frères Mayet avaient été horlogers, ils auraient fabriqué une horloge d'appartement telles qu'elles existaient déjà, avec la corde lestée de poids et de contre- poids et n'ayant qu'une autonomie de 24 à 36 heures.
Mais leur modèle, étant la réduction d'une horloge de clocher, possède une corde enroulée autour d'un tambour en bois et ainsi une autonomie d'une semaine.
Les mécanismes normands et flamands existaient déjà de puis bien longtemps : ils étaient eux-même une forme simplifiée et populaire d'horloges très belles dites horloges Lanternes (17e au 18es) réservées à la noblesse au sortir de la Renaissance. (lesquelles était issues des horloges Gothiques)
La grande autonomie des Comtoises, leur rusticité, leur fiabilité, leur solidité, assureront leur suprématie sur les autres horloges provinciales populaires.
Les premiers modèles fabriqués par les frères Mayet durent être à foliot, donc antérieurs à 1657.
L'histoire rapporte en effet qu'ils entendirent parler des nouvelles horloges à pendule.
Ils apprirent qu'il en existait une à Genève, et l'un des frères fit le voyage pour rapporter des informations leur permettant d'appliquer cette invention à la Comtoise .
Leur horloge, une fois équipée d'un long pendule, ils créèrent un meuble longiligne, la caisse d'horloge, pour la protéger et empêcher que ce pendule ne soit arrêté.

Le pendule d'une horloge doit en effet être protégé, car s'il est immobilisé (volontairement ou non), l'horloge ne redémarrera pas toute seule ; contrairement aux horloges à foliot qui se mettaient en route dès que l'on accrochait le poids moteur (et dont le fonctionnement n'avait donc pas à être protégé par un meuble).


Les horloges comtoises du 18e siècle


De la fin du 17e siècle à la Révolution française, ces mécanismes furent fabriqués entièrement à la main par des paysans de la montagne du Jura, devenus artisans horlogers, qui se transmirent leur savoir.
La zone de fabrication se situe entre Morteau au nord et Morez au sud. Le climat de la montagne n'incite pas au farniente, et à côté de l'élevage des bovins, de la récolte des foins, de l'entretien de la ferme et de la fabrication des fromages et des salaisons, il restait aux montagnards du temps libre, surtout l'hiver, pour travailler de leurs mains.
Les difficultés de la vie sur ces hauteurs les invitaient d'ailleurs à faire un peu tout par eux-mêmes, comme en témoigne le proverbe comtois : Douze métiers, treize misères .
Ils étaient aussi habiles dans le travail du bois que du fer !
L'un et l'autre ne manquaient d'ailleurs pas : la forêt fournissait le sapin, le hêtre, le charbon de bois pour les forges.
Le minerai de fer permettait les ateliers de forgerons, de serruriers, de charrons et d'horlogers.

Ainsi se mit en place un artisanat qui sut exporter, dans les régions proches (Alsace, Bourgogne, Savoie), ses productions.
Certains montagnards et même certains villages (tel Saint Laurent en Granvaux avec les Grands-Valliers et leurs charrettes à chevaux) se spécialisèrent dans le transport des productions francs-comtoises vers ces régions et le retour vers la Franche Comté des marchandises nécessaires à la vie en montagne et introuvables sur place.
Aujourd'hui encore, on trouve les plus beaux mécanismes du 18e/s en Bourgogne, traditionnellement riche par ses vins et ses cultures, et dans les plaines de Franche-Comté (région de Dole à Besançon).

Description d'un mécanisme du 18e siècle.
Il est facile de distinguer les mécanismes du 18e siècle dont le pendule se balance à l'arrière, derrière les poids, des mécanismes du 19e siècle dont le pendule (plus fréquemment dit balancier ) se situe devant les poids, juste sous le cadran et les aiguilles.

Les rouages du mécanisme (en général quatre) sont maintenus l'un en dessous de l'autre entre deux piliers verticaux, eux mêmes fixés entre deux plaques de fer parallèles et horizontales, reliées entre elles par quatre piliers en fer, constituant ainsi la carcasse, peinte en noir, fermée sur ses côtés par deux portes ouvrantes, à l'arrière par une tôle fixe et à l'avant par le cadran. Deux autres piliers verticaux reçoivent les rouages de la sonnerie.
Les deux séries d'engrenages sont placés l'un à côté de l'autre.
La tôle avant est percée d'un trou central par où sort l'axe de l'aiguille unique et de deux trous sous le cadran, dans lesquels on enfile une manivelle qui permettra, en tournant, d'enrouler les cordelettes sur le tambour en bois.

Comme sur les horloges dites gothiques , les heures seront d'abord peintes sur la tôle avant, puis gravées en creux au burin (et remplies de cire noire) sur un cercle en laiton jaune ou en étain, comme c'était l'usage sur les horloges Lanterne et les premières pendules (à ressorts) appelées Religieuses de la cour de France sous Louis XIII.
Ces Religieuses évolueront de leur côté pour donner les Cartels droits et marquetés sous Louis XIV, galbés, peints et enrichis de motifs en bronze sous Louis XV etc… jusqu'aux pendules de cheminée en bronze de nos grand- parents.)

Au-dessus du cadran des premières Comtoises, est fixé un fronton, d'abord galerie en tôle de laiton découpée et repercée (parfois gravée de décors floraux), puis fronton en bronze coulé représentant des allégories et symboles de l'aristocratie régnante : coq (l'état français à partir du jeu de mot latin gallus gallus : coq gaulois), soleil (emblème de Louis XIV) , fleurs de lys (blason de la famille des Bourbons), angelots sonnant de la trompette, feuilles d'acanthe.
Après Louis XVI, ces frontons représenteront la Révolution (bonnet phrygien, mains serrées, la justice et sa balance) puis Napoléon Ier (son buste, des abeilles , des aigles).

A la cour des rois de France seront encore empruntés les nouveaux cadrans à la mode sur les cartels : les cadrans à cartouches (au masculin), pastilles de cuivre émaillé pour chaque heure, insérées dans une platine en bronze : douze cartouches pour les heures et éventuellement un treizième rond, tout blanc, au centre, pour les cadrans à une seule aiguille.
Puis vers la fin du 18e siècle, 24 ou 25 cartouches (12 sont rajoutés pour les minutes) sur les horloges à deux aiguilles, apparues vers 1760.
Ces cadrans à cartouches existeront entre 1760 et 1780 environ, jusqu'à ce que la technique permette d'émailler de grandes surfaces sans déformation.

Les grands cadrans émaillés blancs, grand art à la mode, remplacèrent tous les autres, même sur les horloges existantes.
Il est donc rare de trouver aujourd'hui des horloges ayant encore leur cadran en laiton gravé ou à cartouches d'origine.
Enfin, pour être complet, précisons que les premiers cadrans émaillés blancs eurent une légère cuvette (bombés sur le tour et concaves au centre pour s'adapter à la courte longueur du canon de l'aiguille des premiers cadrans gravés), puis après la Révolution, entièrement bombés.

Ces horloges comtoises du 18e siècle fonctionnent avec le premier échappement connu, à roue de rencontre.
Pourtant dès la fin du 17e siècle était né un autre échappement dit à ancre, plus facile à fabriquer et à régler.
Il peut, de plus, fonctionner avec un balancier beaucoup plus lourd parce que ses oscillations ont moins d'amplitude.
Cela permet de passer le poids du pendule de 150 gramme à plus d'un kilo (dans le courant du 19e siècle).
C'est cet échappement à ancre qui est toujours utilisé sur les horloges de fabrication actuelle.
Plus tard encore fut inventé l'échappement à chevilles, délicat à fabriquer et à entretenir, mais qui permet d'atteindre une précision inégalée du fait de son peu d'amplitude.


L'horloge, les savants et les classes dirigeantes


Ouvrons ici une parenthèse pour évoquer quelle place eut la recherche horlogère dans le développement du monde occidental de la Renaissance au 19e siècle.

Les engrenages d'abord :
L'horloge fut la seule mécanique (exception faite des moulins à eau et à vent) du Moyen-Age à la fin du 18e siècle qui comportait des roues dentées permettant de transporter l'énergie d'un endroit à un autre avec le minimum de perte et avec le respect absolu du rapport des vitesses.

Il existait déjà d'autres machines utilisant des bras, des bielles, des roues, des poulies, des courroies.
Mais très tôt, des artistes, des savants, des philosophes même (et leur mécènes Rois, Empereurs, Princes, Ducs, Papes, Evêques etc…) firent des recherches autour des engrenages, des échappements, de la précision du temps et de l'astronomie, permettant un foisonnement d'inventions, d'innovations, d'améliorations constantes dont l'horloge fut la seule bénéficiaire jusqu'à l'entrée du 19e siècle.
(Notons par exemple qu'à l'époque de Napoléon Ier, on utilisait encore des fusils à pierre, alors qu'il existait déjà depuis longtemps des horloges dont la force motrice était apportée par des courants d'air, ou les variations volumétriques d'un gaz).
La révolution industrielle occidentale bénéficiera pour ses nombreuses machines des patientes recherches faites sur les engrenages pour définir, par exemple, le profil idéal que doit avoir la forme des dents pour générer le minimum de frottement et conserver ainsi le maximum d'énergie.
L'autre avantage des engrenages est de ne pas risquer la perte d'adhérence comme avec les poulies ou les courroies.

Les échappements :
Le temps peut être déterminé avec précision par l'observation minutieuse d'une étoile en rapport avec un point terrestre fixe et ceci était su depuis plusieurs siècles.
On était donc capable de vérifier la précision d'un instrument mécanique horloger sur une période d'un an par exemple (du passage à un autre d'une étoile).

Des calculs ont été faits très tôt pour démontrer les limites de la loi d'isochronisme des petites oscillations du pendule : la gravité terrestre attire un pendule vers la stabilité, à la verticale de son point de suspension, et les oscillations (isochrones si le pendule a peu d'amplitude) finiront par s'arrêter si son balancement n'est pas entretenu par une force extérieure.
Le poids de l'horloge sert en grande partie à faire tourner les aiguilles et dans une moindre mesure à entretenir le balancement du pendule.
L'idéal est que les oscillations du pendule soit seulement entretenues (en fin de course) par l'énergie issue du poids mais non contrariées par cette énergie d'une façon intempestive en cours de balancement .
Dans le cas de l'horloge à foliot, le balancier, par son mouvement de va et vient horizontal, représente en fait un frein au déroulement rapide des rouages, ce qui génère une grande imprécision, (au même titre que les ailettes du ventilateur de la sonnerie sont un frein, par le frottement de l'air).

Les recherches visèrent donc, pour augmenter la précision de l'horloge, à inventer un échappement engendrant des oscillations de faible amplitude et le minimum d'effets contraires au balancement du pendule.
L'horloge comtoise, bien que populaire et rustique, est pourtant souvent plus précise que les pendules aristocratiques ou bourgeoises : la force motrice est constante (contrairement aux ressorts qui dispensent plus d'énergie quand ils sont remontés à fond et de moins en moins à mesure qu'ils se déroulent) et l'angle d'oscillation de son long pendule est très fermé, contrairement à celui d'un balancier court oscillant fortement par rapport à sa courte longueur.

Nous retrouvons ici les lois physiques découvertes par les savants
La preuve ayant été donc faite de la meilleure exactitude pouvant être obtenue par les faibles oscillations du pendule, il restait à se pencher sur les problèmes posés par le balancier lui-même.
Pour obtenir la longueur du pendule que l'on souhaite, (pour l'adapter d'une façon esthétique à un cabinet d'horloge, ou obtenir une oscillation d'une seconde, par exemple), on peut faire varier le rapport des différents rouages.
Mais pour un ensemble d'engrenages donné, il n'existe qu'une seule longueur possible du pendule (de son point de suspension à son centre de gravité).
La gravité terrestre (si on change l'horloge d'altitude) modifie la période des oscillations du pendule.
Mais sans changer d'altitude, cette période peut être modifiée soit volontairement (pour faire marcher précisément l'horloge, en montant ou en descendant la lentille du balancier grâce à l'écrou qui la retient), soit involontairement par la dilatation ou la rétractation du pendule.

Les recherches porteront donc sur les variations de longueur du pendule en métal, sensible à la dilatation aux changements de température.
Ainsi naquirent les balanciers à grilles compensées, les balanciers au mercure etc… qui, installés sur une horloge (sans sonnerie pour ne pas être freinée) à échappement à cheville, apportèrent une très grande précision : ce sont les régulateurs (ou garde temps ) qui servaient d'étalon aux horloges.
Furent également utilisées les tiges de bois et d'invar (acier à 36% de nickel) au très faible coefficient de dilatation (essentiellement dans les horloges monumentales de clocher).

Enfin, avant d'aborder le deuxième chapitre des horloges comtoises du 19me siècle, nous pouvons évoquer les motivations qui ont poussé les humains à s'intéresser aux horloges.
Certains historiens estiment que les cloches des églises et des monastères, par leur son portant au loin dans la campagne, furent un élément primordial pour la cohésion sociale des villages : les paysans arrêtaient ensemble les travaux des champs, se groupaient à l'église pour les prières, les fêtes, les messes.
Tant qu'il n'y eut pas d'horloge, dans le haut Moyen-Age, c'est grâce aux cadrans solaires ou aux clepsydres (horloges à eau) que les ecclésiastiques pouvaient actionner (à bras d'homme) ces cloches.
L'invention et la divulgation des horloges dans les centres religieux permirent de faire tinter mécaniquement, et à heures à peu près régulières, ces cloches.
D'où le vif intérêt des religieux, et également des conseils laïcs gérant les villes, pour les horloges mécaniques…..

D'autre part, les mondes égyptien, grec, romain, chinois, hindou, s'étaient depuis des siècles intéressés à l'astronomie, et leurs découvertes avaient été transmises au monde chrétien du haut Moyen-Age par les Arabes, qui les avaient développées.
Construire une machine complexe qui fonctionne au rythme du Soleil et des planètes était le rêve de bien des savants.
Enfin, pour voyager, surtout sur les mers, on s'était aperçu de l'importance capitale de pouvoir se situer et se diriger grâce à l'astrolabe et à la boussole.
Mais il parut évident qu'avec une horloge fiable et précise, on pouvait se situer encore mieux (par la détermination des longitudes), d'autant que la maîtrise des mers devenait capitale pour la dominance sur le monde entier.
Ainsi l'Angleterre offrit dès le 19e siècle une énorme récompense à celui qui inventerait un chronomètre qui, après avoir fait le tour du monde sur un voilier, reviendrait à son point de départ sans avoir varié.
Un horloger anglais Harrison, charpentier d'origine, mais esprit curieux, conçut cette merveille de précision.


La vraie comtoise : le modèle caractéristique du 19e siècle


Les cabinets d'horloge des 18e et 19e siècle
Les mécanismes franc-comtois du 18me siècle, furent soit posés sur une console fixée au mur, soit installés dans une longue caisse en bois du pays : sapin ou frêne en montagne, chêne, merisier ou noyer dans les plaines.

Le pendule étant un simple appareil réglant, oscillant au fond de la caisse, derrière les poids, ne présentait pas d'intérêt décoratif et était caché par la porte pleine.
Ce cabinet d'horloge était fabriqué par un ébéniste, à l'unité, à la demande d'un particulier propriétaire d'un mécanisme, d'une façon traditionnelle, avec assemblage des pièces de bois par tenons, mortaises et chevilles, comme tous les autres meubles.
Les ébénistes des différentes provinces françaises créèrent des gaines d'horloge de formes très variées, influencées par le style local et le style national.
On peut distinguer les styles Louis 13, Louis 14, Régence, Louis 15, Louis 16, Louis-Philippe etc….
Mais un meuble Louis 15, par exemple (style le plus courant), n'a pas le même aspect selon qu'il est provençal, lorrain, normand, alsacien, etc..
Il n'était pas question de série dans ces fabrications du 18e siècle, tant dans les mécanismes que dans les cabinets d'horloge.

Ce rappel sur les comtoises du 18e siècle pour bien mettre en évidence le changement radical intervenu dans l'aspect et les méthodes de fabrication de celles du 19e.
Au début du 19e siècle, quelqu'un eu l'idée de faire passer le balancier devant les poids, de remplacer la toupie en plomb par un disque en laiton (de petit diamètre, 9 à 11 cm au début, les caisses étant alors étroites).
Pour voir ce disque, appelé lentille , la grande porte fut percée d'un oculus , trou rond vitré de même diamètre.
Nombre de cabinets d'horloge du 18e siècle, à grande porte pleine, furent ainsi modifiés.

Pour pouvoir agrandir le diamètre de la lentille, on se mit à fabriquer des horloges plus larges, soit droites (mais elles devenaient lourdes d'aspect) soit désormais, en Franche-Comté, avec un galbe au niveau du balancier.
C'est là la caractéristique essentielle de l'horloge comtoise aux yeux du grand public.

Pour simplifier la fabrication, les emboîtements avec tenons, mortaises et chevilles furent abandonnés au profit de simples planches clouées.
Cette méthode d'assemblage visait la rapidité de fabrication et, jointe au faible prix du bois employé (le sapin, ou plus précisément l'épicéa de montagne) ainsi qu'au travail en équipe, permit d'abaisser fortement le prix de vente.
Ce faisant, il s'en vendait de plus en plus, essentiellement aux classes sociales les moins aisées.
Les méthodes de vente changèrent également : au lieu que l'horloger et l'ébéniste attendent la commande d'un particulier pour entamer la fabrication, les horloges furent fabriquées d'abord, puis transportées (par charrettes à chevaux puis par chemin de fer) et exposées dans les foires traditionnelles.
On ne pouvait plus que choisir parmi les modèles existants et non s'offrir un modèle unique.
Ce fut, peut-être, un des premiers produits manufacturés vendus prêt à emporter.
Ajoutons que pour masquer la pauvreté du sapin, les caisses d'horloge furent enduites d'une sorte de peinture faux-bois, à la colle et à l'eau.
Avant que cet enduit ne sèche, on dessinait rapidement des fausses veines de bois noble (ronce de noyer, palissandre etc… avec du brou de noix) et des arabesques, rinceaux de feuilles et fleurs, avec un outil rigide qui prélevait la peinture faux-bois (laissant apparaître par un trait clair le fond en bois blanc).
Les feuilles et fleurs étaient rehaussées de couleurs polychromes assez vives.
Le tout était protégé par un vernis de gomme laque et d'alcool.
Avec le temps, la fumée du feu de bois et des vapeurs grasses de la cuisine, le vernis a viré au brun foncé et il arrive qu'on ne remarque même plus les décors sur ces horloges presque noires, et tristes.
Mais que l'on enlève le vernis noirci (avec d'infinies précautions car les peintures sont irrémédiablement abîmées par l'eau) et l'horloge retrouve sa fraîcheur et la magnificence de ses décors d'origine.

Le mouvement 19e siècle
Pendant tout le 19e siècle, la Comtoise n'a cessé d'évoluer vers l'abaissement des coûts de production par une spécialisation toujours plus poussée.
Les petits ateliers artisanaux firent place à des usines.
L'évolution se fit surtout sentir au niveau de la force motrice (chutes d'eau et roues à aube, machines à vapeur, poulies et courroies puis moteurs électriques individuels) et au niveau des machines outils, en particulier tours, fraiseuses pour tailler les engrenages, presses pour emboutir ou découper.

Les engrenages, au 18e siècle, étaient dessinés au compas d'un trait à l'endroit de chaque dent.
Ils étaient fendus à la scie et les pointes des dents arrondies à la lime.
L'invention de la fraiseuse (à main au début) permit de ne plus tracer les dents au compas (grâce au plateau diviseur percé de rangées de trous dans lesquels se fiche un index) et de façonner d'un seul coup de fraise la forme de deux demies dents.

Le style 19e siècle
Les frontons couronnant les cadrans, en bronze jaune coulé dans des moules en sable au 18e siècle, furent remplacés au début du 19e par des couronnements en tôle mince de laiton, emboutie dans des matrices par des presses.
Les régimes à la tête de l'état changeant très vite (après Louis 16 et la dynastie des Bourbons) les symboles des familles royales ou impériale (fleurs de lys, coqs, angelots, feuilles d'acanthe, figures du Roi Soleil, aigles et abeilles napoléoniens) furent remplacés par des allégories du temps présent : bonnet phrygien, la justice et la balance, les mains serrées de la Révolution, le temps (un vieillard), la mort (et sa faux), la maternité, la religion (Jésus, Marie, Joseph, la fuite en Egypte, la crucifixion etc…) et les travaux agraires (les labours, les moissons, la cueillette des cerises, les vendanges etc…).
Mais aussi, en 1870, la guerre : les soldats, les canons, les fusils.
Et également, par patriotisme, les couleurs bleu, blanc, rouge peintes sur les fleurs et les décors des couronnements, et sur les nouveaux énormes balanciers en laiton embouti qui venaient d'être inventés.

Il semble que tous ces modèles d'horloge comtoise (à petite lentille, balancier lyre ou laiton embouti) aient été conjointement fabriqués, selon les ventes, pendant tout le 19e siècle.
A notre connaissance, aucun écrit de l'époque n'a relaté l'historique et les méthodes de fabrication.
L'auteur de ces lignes peut avoir fait quelque erreur et remercie d'avance les informations que quiconque pourrait lui fournir.

Beaucoup de choses ont été dites ou écrites au sujet des comtoises, ces dernières années, et beaucoup d'informations infondées ont été reprises sans vérification puis divulguées. Ainsi, par exemple, ces horloges que les Français nomment comtoises (abréviation de Franc-Comtoise) sont connues à l'étranger sous le vocable de Morbier (en référence au village de Morbier, proche de Morez, où oeuvraient les premiers horlogers de comtoises) : il est probable qu'un écrivain a pensé, un jour, faire un effet de style en utilisant ce mot qui a fait souche à l'étranger, mais qui n'est pas utilisé en France (où ce terme désigne une variété de fromage !!!).

Les horloges comtoises furent fabriquées jusqu'à la guerre de 1914-1918 et légèrement après, par certains ateliers.
Elles furent abandonnées au profit de pendules moins encombrantes telle l'œil de bœuf (rond ou ovale, en général noir, avec des décors en marqueterie de nacre) et la pendule droite dite carillon Westminster (car elle sonne l'air célèbre de l'horloge Big Ben, de Londres, tous les quarts d'heure, et à l'heure).
Rappelons au passage que ces carillons préviennent, par cet air Westminster, d'être attentif à compter le nombre de coups sonnés, alors que dans les Comtoises c'est ce nombre de coups qui est répété.

En conclusion, l'horloge comtoise est intéressante à plus d'un titre.
Nous avons vu qu'en fait, les simples paysans franc-comtois devenus horlogers par un hasard de l'histoire ont fait deux créations : à la fin du 17e siècle, ils ont créé un type de mécanisme d'appartement, nouveau par sa conception et son autonomie d'une semaine ; et au début du 19e siècle, une caisse d'horloge nouvelle par sa forme, sa fabrication, ses décors et son accessibilité à une clientèle peu aisée.

L'horloge comtoise est intéressante également parce qu'en étudiant son histoire, on s'aperçoit qu'elle a accompagné les étapes primordiales du passage de notre civilisation occidentale encore agraire au 18e à une civilisation devenue essentiellement industrielle au 20e.
Le 18e siècle a été celui des recherches scientifiques (le système métrique en particulier a apporté une aide fondamentale).

Le 19e siècle a été celui du foisonnement d'inventions et d'applications dans tous les domaines du machinisme.
Une machine, c'est avant tout un ensemble de pièces en métal de bonne qualité, acier, fonte de fer, bronze, laiton (importance de la métallurgie, haut-fournaux, forges etc…) parfaitement usiné (importance des savoir-faire, mais de plus en plus des qualités d'autres machines même qui travaillent ce métal, en particulier tours et fraiseuses).
Nous retrouvons ici toute l'importance des engrenages pour une bonne transmission de l'énergie, un parfait respect des vitesses et une facile modification du sens de rotation.
Les pendules et surtout les montres sont bien sûr, par leur miniaturisation, le fleuron de l'horlogerie. Les recherches les concernant furent largement subventionnées et récompensées par les largesses de l'aristocratie et de la bourgeoisie, cependant que les modestes comtoises n'ont fait que suivre l'évolution des moyens des masses laborieuses.

Leur concept de base (carcasse et rouages) n'a pratiquement pas évolué, si ce n'est que les plus anciennes sont très petites (14 à 17 cm de large) et que le format n'a cessé de grandir (22, 24, 27 et même 30 cm de large) à mesure que l'importance des horaires se faisait pressante dans la vie des gens.
Cependant que leur aspect, lui, n'a pas cessé d'évoluer : de respectueux des styles aristocratiques au 18e siècle, il s'en est affranchi à la Révolution (les fleurs de lys des frontons en bronze ont été limées), et il s'est attaché au 19e à plaire avant tout à sa clientèle pour favoriser les ventes.
Ce fut, peut-être, un des premiers produits manufacturés vendus prêt à emporter.

Aujourd'hui, ceux qui ont l'esprit collectionneur sont enchantés de pouvoir acheter tant de modèles différents par les cadrans, les frontons, les aiguilles, les couronnements, les échappements, les différents types de sonnerie, les indications astronomiques (cadrans des quantièmes de la semaine, du mois, des phases de la lune etc….), les formes de balancier, les caisses (fabriquées et peintes à main levée, il n'en existe pas deux identiques).
Ces collectionneurs (que d'aucuns critiquent pour leur goût de l'accumulation) auront eu le mérite de remettre à l'honneur ces Comtoises à partir des années 1960, et de sauver ainsi celles qui avaient survécu après qu'elles eussent passé de mode. En effet, nombre d'entre elles ont été abandonnées dans les greniers, les caves, où elles ont pourri et rouillé.
Les enfants ont joué avec, des soldats se sont exercés au tir au fusil sur les coqs des frontons….
Les caisses ont été brûlées quand elles encombraient les greniers….

Sans le regain d'intérêt pour ces horloges à la fin du 20e siècle, elles auraient fini par disparaître complètement…. et vous n'auriez pas eu l'occasion de lire ces lignes aujourd'hui….

SIC VITA FLUIT… (Ainsi passe la vie)
(adage latin gravé sur certain mécanisme parmi les plus anciens)

Horloge entretenir,
Jeune femme à son gré servir,
Vieille maison à réparer,
C'est toujours à recommencer...

(proverbe franc-comtois)

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Christian BERNARDET

Horloger spécialisé en Horloges Comtoises Anciennes

Grand Prix des Métiers d'Art
L'assurance de la vraie Comtoise ancienne

Restauration et vente d'horloges comtoises

Christian Bernardet
12 rue du Clos du Château
F-25370 Touillon

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